Adapté par Regis Prat
Oncle Ivan passait pour un pêcheur passionné parmi ses amis. La semaine dernière il est allé chercher des carpes dans un petit lac où il a ses habitudes. Et il lui est arrivé une aventure pas commune. Le temps s’étirait, les ondes du lac ne faisaient pas trembler le bouchon, quand tout à coup, ce dernier disparut brusquement du regard embué d’Oncle Ivan, en le tirant de sa torpeur. Le bouchon plongea de nouveau, puis fit surface. Oncle Ivan, avec son expérience, évalua la situation, compta jusqu’ à quatre et ferra avant que le bouchon ne disparaisse encore. Il ramena la canne à pêche juste au moment ou ce qui se trouvait sous la surface, mordit gaiement dans le ver charnu. Ce que vit Oncle Ivan, était la créature la plus étrange qui jamais avait fait vibrer sa canne à pêche. Un genre de dinosaure miniature, doré et humide, le regardait avec des yeux gonflés par une profonde indignation.
-Aaah ! S’écria Oncle Ivan, superstitieux comme tous les pêcheurs, et bien persuadé de l’existence des méchants esprits de l’eau. Une petite voix chuchota – relâchez-moi et je vous accorde trois souhaits.
- Quoi ! – qui a parlé? demanda l’homme en regardant autour de lui.
- C’est moi – dit la créature en faisant bouger ses lèvres boudinées, je suis le triton doré !
- Je connaissais seulement le poisson doré – répondit Ivan, d’un air embarrassé.
- Oui, c’est un de mes collègues mais il n’habite pas dans votre lac, dans ces parages, il n’y a que moi. Alors, dites moi ce que vous désirez, et après ça, remettez moi dans l’eau parce que ma peau fragile, se met à sécher.
- Vraiment ?? Je n’arrive pas à y croire.
- Je vous écoute… et bien… je veux… je voudrais…. c’est pas facile… hésitait Oncle Ivan en se grattant la où ça ne le démangeait pas pourtant – a… oui… c’est ça ! Je voudrais un palais immense.
Aussitôt demandé, aussitôt reçu. Un grand fracas se produisit, la terre se mit à trembler, et quand il regarda en direction de sa maison, il vit à coté, un superbe château d’or et de diamants.
- Tu ne plaisantais pas, alors !?
- Pas du tout, déclara l’animal amphibie, quel est votre deuxième souhait ?
- Je peux réfléchir quelques secondes ?
- Non, ce n’est pas ainsi que vous devez faire, dites moi vos souhaits les uns après les autres, ou tout ce que vous désirez disparaîtra !
- Ah ! Avec le poisson doré, c’était différent !
- Je ne suis pas le poisson doré !
- Bien. Alors je veux, … je voudrais… que la plus jolie des princesses devienne ma femme.
- Oui, après ?
- Comment, c’est déjà fait ?
- Mais oui ! Elle vous attend dans votre palais !
- Oh, c’est merveilleux ! dit Oncle Ivan, les yeux brillants de bonheur, voyons, que reste-t-il ? … Ah ! Oui… je veux devenir député au parlement !
- Ayant exaucé son dernier souhait, le triton, libéré de l’hameçon, sauta dans l’eau.
Oncle Ivan se retrouva instantanément dans l’enceinte parlementaire, au milieu d’une séance plénière, où l’ordre du jour lui parut ennuyeux. Il vota, car la procédure l’imposait, tout en sachant que quel que soit le résultat, il ne comprendrait pas de quoi il s’agissait. Il s’impatientait, et de la fin des débats, sauta dans un taxi, pour rejoindre son village, quelque part près de Dobrich. Ses attributions de député lui permirent largement cette dépense. Quand il entra dans son magnifique palais, la princesse bavardait joyeusement avec un jeune homme qui la serrait dans ses bras.
- Comment ! hurla Oncle Ivan, je t’ai vue, n’as-tu pas honte ?
- Nullement, car il n’y a aucune raison, dit la princesse en le dominant de toute sa nudité, tu es toujours absent, tu as même raté nos noces, je n’en peux plus, je ne suis pas habituée a cela. Aladin, et d’autres princes m’ont beaucoup mieux traitée!
- Bon ! Puisque c’est ainsi, on vendra le château et on s’installera à Sofia.
- Non, je ne suis pas d’accord – répondit-elle hargneusement, je ne veux pas être toute seule là-bas non plus. Mieux vaut rester ici !
- Bon, je quitterai mon poste de député pour rester avec toi le jour et la nuit, bien que je t’en veuille beaucoup.
Et Oncle Ivan quitta le parlement au grand étonnement de ses collègues. Au palais, des mauvaises surprises l’attendaient. Ses employés et serviteurs, exigèrent la garantie qu’ils seraient payés pour leur labeur. Ivan les assura qu’ils devraient se sentir fier de servir un homme tel que lui mais ils étaient incapables d’apprécier sa gentillesse. Ils quittèrent donc les lieux, en emportant tout ce qu’ils pouvaient comme compensation aux deux jours de travail qu’ils venaient d’effectuer. Oncle Ivan se tourna vers la princesse, plein de désir.
- J’ai fait comme tu le voulais. Alors quoi maintenant ?
- Je n’ai jamais réclamé que personne ne me serve rien à manger, de plus, il y a un courant d’air ici, vu qu’ils ont emporté toutes les portes et les fenêtres. A quoi pensais-tu en agissant ainsi, cria la princesse en tapant rageusement des pieds, puis elle le laissa sur place et partit pour la capitale. Pour autant que l’on sache, elle vit maintenant, dans le luxe, en compagnie de « nouveaux riches ».
Oncle Ivan a dû démolir son palais car, premièrement, il ne pouvait plus l’entretenir, deuxièmement, il ne pouvait pas payer pour qu’on le maintienne à sa place. Et enfin, le château était construit illégalement.
Aujourd’hui, je suis à la pêche avec Oncle Ivan, c’est lui qui m’a tout raconté pour passer le temps. Moi, à sa place, je vais vous dire, j’aurais demandé les mêmes souhaits, à l’exception du troisième, mais je pense que cela se serait terminé de la même façon.
- Il faut anéantir tous les tritons dorés avec du TNT, dit Ivan d’un ton lugubre.
En laissant couler une larme, il fixe le bouchon qui semble lui faire un clin d’œil. Je regarde le mien, quand soudainement, il se met à plonger…
mercredi, mai 27, 2009
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